Le thème de l’identité nationale a rencontré une préoccupation majeure dans la Tunisie postrévolutionnaire ; je ne dirai pas une préoccupation historico-intellectuelle mais, davantage, une préoccupation existentielle. Les manifestations de cette préoccupation sont traduites dans notre quotidien à travers les différents comportements vestimentaires et les nouvelles pratiques lexicographiques. Cette nouvelle conscience qu’on peut l’appeler « identité cumulative » est le nœud du problème socio-historique du pays.
Or, la grande problématique reste de chercher le « comment » qui nous amène à vivre ensemble en harmonie tout en respectant la diversité et la pluralité. Néanmoins, il faut noter que « l’identité véritable » du tunisien doit dépasser ces nouvelles « identités fractionnaires » pour établir une véritable conscience de notre spécificité collective. En effet, la notion de l’identité reste difficile à circonscrire d’emblée du fait de son caractère polysémique et sa richesse symbolique.
Définir et analyser cette question, c’est s’engager dans le débat intellectuel qui concerne l’histoire et le devenir de notre peuple. C’est pourquoi, on doit noter au préalable, que l’identité se construit dans la confrontation entre l’identique et l’altérité pour construire un système social dynamique fondé sur le principe de l’axiologie où l’individu oriente ses conduites, comprend son histoire et construit son futur en fonction du nouveau contexte.
Il faut donc proposer une méthode de diagnostic de la notion de l’identité et des idées et des mouvements qui s’en réclament (ou s’en suivent). La domination historique s’exerce aujourd’hui de manière plus pénétrante et plus diversifié. Le propre des appareils techniques est d’avoir la capacité de produire une nouvelle définition spécifique à la Tunisie et ses dimensions socio-historiques. C’est cette attitude qui facilite la diversité des styles et la pluralité culturelle au sein de la même société.
Une harmonie de diversité s’offre à nous pour supplanter les images antérieures par des nouvelles qui respectent la diversité et le multiculturalisme qui doit être inscrit dans le nouveau paysage de la Tunisie postrévolutionnaire où ces identités sont portées par des groupes déterminés auxquels sont attribués des droits, qui visent à garantir le respect des diverses cultures en présence.
Ainsi, la représentation des différents groupes est considérée comme un moyen de les inclure et d’assurer leur participation dans la communauté nationale tout on s’articulant sur le principe de l’égalité de droits des individus (ce qui suppose notamment que l’État reste neutre) et ceci définit le multiculturalisme politique. Il existe également des versions davantage culturelles que politiques du multiculturalisme, qui consistent essentiellement à reconnaître la diversité culturelle et à lui permettre de s’exercer.
De cette façon, le pluralisme qui, dans la période récente, semble aller de pair avec la philosophie de la révolution, peut apparaître à première vue comme une simple conséquence de la démocratie politique mais elle traduit aussi une démocratie culturelle. Si la société tunisienne accepte la diversité des opinions et des comportements, il en résulte que les opinions deviennent nombreuses et que la conduite des citoyens est marquée par cette même diversité.
De plus, lorsque les communications et les contacts entre le citoyen et son histoire se développent, la diversité croît encore d’avantage. À ce niveau, la culture, au sens théorique du terme, constitue un appareil évolutif car elle désigne l’ensemble plus ou moins cohérent des sens produits durablement par les membres d’un groupe qui, du fait même de leur appartenance à cette collectivité, sont incités à donner une lecture partagée de leurs productions, pratiques, langages etc.., d’où l’homogénéisation des représentations et des attitudes.
Alors que le pluralisme culturel désigne l’ensemble des processus psychiques, relationnels, groupaux et institutionnels générés par les interactions des traditions, dans un rapport d’échanges réciproques et dans une perspective de sauvegarde d’une relative identité culturelle des partenaires en relation, ce qui implique la prise en compte de la disparité des codes culturels et la conscience des attitudes et mécanismes psychologiques suscités par l’altérité. Elle permet ou vise le respect des différences : Ces différences ne sont pas pensées en termes d’inégalité et de hiérarchie des cultures.
L’interculturel vise également à connaître et comprendre ce que les hommes ont de semblable. Certains auteurs distinguent interculturalité et multiculturalisme sur ce point : là où l’interculturalité souligne la notion de partage, le multiculturalisme n’implique pas nécessairement partage. Ce pluralisme nous amène au relativisme éthique et si l’on est disposé à regarder d’un œil favorable toutes les spécificités internes, à considérer avec sympathie tous les modes de pensée, il n’est que trop facile d’adopter une position d’humilité et de proclamer : « Qui suis-je pour décider quel mode de vie est supérieur à tel autre ? » si les gens choisissent leur sorte de culture, leur attitude et leur principe, c’est apparemment parce que cela leur convient. C’est pourquoi, notre respect pour l’altérité doit nous protéger des préjugés.
Une telle conclusion concernant l’identité nous amène à dire que le phénomène identitaire reste un phénomène en construction et jamais achevé. La Tunisie a connu des systèmes de sociétés dans lesquels la vérité définitive et absolue était dictée de haut en bas et où toute déviation était sévèrement punie. Ces pratiques étouffaient la liberté de l’individu-citoyen pour le remplacer par un individu-sujet.
Néanmoins, la philosophie de la révolution tunisienne a proposé une autre méthode basée sur le respect de l’autre, sur l’acceptation de la différence et de supposer que l’union dans la diversité est la seule voix pour fonder une nouvelle Tunisie qui respecte les droits de l’homme dans leurs sens universelle car la démocratie assument le respect de ses principes humanitaires qui vont de pair avec la notion de l’État de droit. Dans cette logique, la notion de l’égalité est indissociable de la démocratie, aussi occupe t’elle une place centrale dans cette anthologie. La Révolution tunisienne affuble ironiquement les partisans de la démocratie est peut-être, à tout prendre, l’un des plus adéquats. La démocratie apparaît bien comme une revendication d’égalité.
Le démocrate est d’abord celui pour qui la justice veut que le lieu social soit pensé selon une norme d’égalité. Tel est sans doute le noyau essentiel de l’idée d’isonomie, terreau sur forme politique qui confère à chacun un droit politique égal. Donc, l’égalité démocratique est-elle un partage, aux termes duquel chacun serait titulaire des droits équivalents et distincts du pouvoir social ; est alors égale distribution donnant à chacun ce qui lui revient ? Il faut alors évoquer un individualisme démocratique, qui laisserait chacun cultiver sa singularité, que notre tradition socio-politique tunisienne ignorait et placerait sous un voile d’ignorance. L’égalité démocratique est-elle constitutive d’une nouvelle société ? Elle implique alors à la fois un bien commun, un sujet collectif et un nouveau contrat social fondé sur les principes de la citoyenneté, de la pluralité et de la démocratique politico-culturelle.
Mohamed Arbi Nsiri
Bonjour,
1. “La Révolution tunisienne affuble ironiquement les partisans de la démocratie est peut-être, à tout prendre, l’un des plus adéquats”. S’il y a quelqu’un pour expliquer -un lecteur ou l’auteur-, je suis preneur. Malheureusement, des phrases de ce genre, il y en a un petit paquet dans ce petit texte, sans compter les “coquilles”, qui rendent sa lecture désagréable. Je suggère à M. Mohamed Arbi Nsiri de relire son article. Bien écrire procède du “souci de soi” et de la politesse envers le lecteur.
2 “Néanmoins, la philosophie de la révolution tunisienne a proposé une autre méthode basée sur le respect de l’autre,…” J’aimerais bien que l’auteur élabore un peu plus cette idée pour nous dire sur quoi se fonde-t-il pour soutenir cette “proposition” faite par “la révolution tunisienne”.
3. Je trouve dommage qu’on écrive un texte traitant d’un sujet aussi difficile sans notes de bas de page et surtout sans références bibliographiques. On sent que l’auteur est contre le “relatvisme”, mais on le comprendrait mieux s’il nous indiquait, comme disent les freudiens, de quel lieu parle-t-il. D’où l’importance des références.
Pour répondre à @Tahar sur le deuxième point, oui je pense également que le déroulement des événements de décembre 2010-Janvier 2011 avaient pour thème, si je puis me permettre, du respect de l’autre : L’immolation par le feu de M. Bouazizi parce qu’il s’était pris une gifle de la part d’un agent de la sûreté nationale, les revendications sociales de Sidi-Bouzid, longtemps mise sur la touche, la montée au créneau de la grogne populaire devant le déni humiliant des instances dirigeantes de la réalité du soulèvement des régions intérieures, le fameux dégage, formule qui exprime le mépris, mépris d’un peuple contre son dictateur qui l’a peu respecté en allant jusqu’à tirer sur les foules, veillée d’armes après le départ de Ben Ali dans les comités de quartier où justement tout le monde goûte au sens du respect que d’ailleurs la plupart ne manque pas de témoigner ne serait-ce que dans le comportement au volant.
Pas de doute, le respect est un maître mot d’une profonde mutation auquel de toutes les façons une configuration d’individu-sujet n’y pouvait que faire appel. En d’autres termes, dans un état où longtemps l’individu était bafoué, le respect n’en pouvait qu’en être le dénouement.
Ce qui est intéressant par ailleurs, c’est que, faisant écho aux idées de cet article, la notion de tolérance dans les milieux intellectuels a depuis peu évolué en notion de respect de soi. La tolérance renvoie en effet à une espèce de rapport d’un consentement condescendant à la différence culturelle de l’autre sans pour autant se désister d’une certaine idée d’une supériorité de sa culture sur celle des autres. Et, justement, par humilité, voire par probité, il est évident de considérer que s’il existât une culture supérieure, ça s’aurait été su depuis longtemps et été adoptée par tous.
Pour revenir à la question de l’identité, je pense qu’il faut se poser des questions sur le sens même de cette quête, son importance et sa finalité. Il serait peut-être une perte de temps, voire vain, d’entreprendre un travail d’introspection pour savoir “ce que nous sommes”.
Vous l’avez bien dit, l’identité est une chose en devenir. Je l’associerais même à la notion de volonté. Nous sommes ce que nous voulons.
Bonjour,
Je vous remercie des éléments que vous avez fournis et qui, sur le principe, sont justes. Sur le princie seulement, car, à mon avis, les notions de respect de l’autre, de tolérance, voire même de dignité, furent très vite marginalisées…D’où ma seconde et ma troisième questions à l’auteur qui, je le rappelle, est historien spécialisé dans l’histoire des mentalités et des religions, et qui, malheureusement, ne semble pas intéressé par notre débat.
Article creux et confus !
Merci à @Tahar et à @Sami Ben Achour pour leurs remarques enrichissantes. Néanmoins, il faut noter une remarque méthodologiques: La question de l’identité est une question socio-historiques qui peut être traiter selon différents angles scientifiques.
La Révolution Tunisienne correspondait à un moment où la société est entrain de renégocier son pacte national. Dans ce contexte, la question de l’identité se caractérise par son ouverture aux différentes influences culturelles, ce qui fait de la notion de l’identité une notion en mouvement. Monsieur Taher avec Monsieur Sami Ben Achour ont évoqué un nombre important de points mais il faut noter au préalable que la notion du respect de l’autre reste nécessaire dans ce contexte historique pour garantir la diversité au sein de la société. L’individualisme est, aussi, un élément fondamental pour construire “l’identité collective” qui reste nécessaire pour la collectivité. Ce sujet cristallise la richesse culturelle de notre société. La question reste ouverte…
La notion de respect est le mur porteur d’un fonctionnement sain et prospère d’une société, quelle que soit le cadre idéologique ou bien politique dans lequel elle évolue.
Même il y a 1400 ans, si l’islam avait réussi à s’ériger en religion et nation, c’est entre autres et surtout parce que l’esprit de respect habitait ses adeptes.
Le respect demeure à mon sens le baromètre du développement des mentalités d’une société. Ainsi, M. Tahar, lorsque vous dites avec raison que le respect fut vite marginalisé en Tunisie, cela veut dire que nous sommes en mauvaise passe. Et il ne serait pas étonnant si la résurgence de la contestation populaire tournera encore une fois autour du thème du respect : c’est un bien vital pour l’individu qu’il en soit conscient ou pas. Et il vaut mieux qu’il en soit conscient.
La tolérance, elle, est un domaine du respect. Aussi, l’on sera amené à l’intégrer dans le fonctionnement de la société et ce, pour ou contre le gré des volontés politiques éventuelles.
Enfin, si l’individualisme est important pour construire une identité collective, il est essentiel de focaliser cet individualisme autour d’un objectif collectif commun et unique qui sera justement la volonté commune que j’ai évoquée ci-dessus et appelée “identité” et ce, afin que le fonctionnement de la société ne sombre dans le pathologique ou le morbide comme c’est le cas actuellement dans les sociétés Occidentales.http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/12/18/assassiner-pour-exister-l-ultime-souhait-des-auteurs-de-tueries-de-masse_1807914_3232.html
La notion de respect est le mur porteur d’un fonctionnement sain et prospère d’une société, quelle que soit le cadre idéologique ou bien politique dans lequel elle évolue.
Même il y a 1400 ans, si l’islam avait réussi à s’ériger en religion et nation, c’est entre autres et surtout parce que l’esprit de respect habitait ses adeptes.
Le respect demeure à mon sens le baromètre du développement des mentalités d’une société. Ainsi, M. Tahar, lorsque vous dites avec raison que le respect fut vite marginalisé en Tunisie, cela veut dire que nous sommes en mauvaise passe. Et il ne serait pas étonnant si la résurgence de la contestation populaire tournera encore une fois autour du thème du respect : c’est un bien vital pour l’individu qu’il en soit conscient ou pas. Et il vaut mieux qu’il en soit conscient.
La tolérance, elle, est un domaine du respect. Aussi, l’on sera amené à l’intégrer dans le fonctionnement de la société et ce, pour ou contre le gré des volontés politiques éventuelles.
Enfin, si l’individualisme est important pour construire une identité collective, il est essentiel de focaliser cet individualisme autour d’un objectif collectif commun et unique qui sera justement la volonté commune que j’ai évoquée ci-dessus et appelée “identité” et ce, afin que le fonctionnement de la société ne sombre dans le pathologique ou le morbide comme c’est le cas actuellement dans les sociétés Occidentales. http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/12/18/assassiner-pour-exister-l-ultime-souhait-des-auteurs-de-tueries-de-masse_1807914_3232.html
[…] exemple la révolution citoyenne se pose naturellement la question de l’identité du pays (Lien). Tout cela est légitime partout dans le monde et montre que les populations s’éveillent à […]